La Libye commémore l’anniversaire de février dans un climat d’aggravation des divisions et de corruption – Par Habib Al Aswad
Lundi, la rue libyenne, tant sur le plan populaire que politique, a célébré le quatorzième anniversaire du soulèvement du 17 février 2011, qui a renversé le régime du défunt colonel Mouammar Kadhafi. Cependant, les observateurs estiment que le pays est toujours confronté à une profonde division politique entre l’Est et l’Ouest, ainsi qu’à une corruption généralisée au sein des institutions.
Dans un contexte marqué par une montée du corruption et des divisions, ainsi que par l’acharnement des détenteurs du pouvoir à préserver leurs intérêts au détriment d’une résolution de la crise et du retour du pouvoir au peuple, la Libye a commémoré lundi le quatorzième anniversaire du soulèvement armé du 17 février 2011.
Le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed al-Menfi, a affirmé que son pays connaissait une dynamique importante en matière de renforcement de la sécurité et de la stabilité, de réconciliation nationale et de développement, ainsi que d’unification des institutions. Il a assuré que le terrorisme avait été complètement éradiqué depuis 2017 et qu’aucun groupe terroriste n’avait désormais de présence réelle en Libye. Il a également souligné les efforts des autorités pour lutter contre la contrebande, le crime organisé et la traite des êtres humains, appelant à une coopération régionale et internationale plutôt qu’à une image inexacte de la situation sécuritaire en Libye.
Menfi a ajouté que la Libye traversait une phase sans précédent de développement et de reconstruction dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie, de l’éducation et de la santé, avec un retour accéléré des entreprises et des investissements étrangers. Il a insisté sur la nécessité de mettre en avant ces évolutions positives auprès de la communauté internationale.
De son côté, Moussa Al-Kouni, membre du Conseil présidentiel, a exprimé son espoir de voir les aspirations du peuple libyen se concrétiser malgré les « échecs ». Sur la plateforme X, il a écrit : « 14 ans… malgré la tempête des échecs, notre détermination à concrétiser les aspirations populaires demeure intacte. »
Un processus de réconciliation nationale en échec
L’anniversaire du soulèvement coïncide avec l’échec de l’Union africaine à réunir les parties libyennes à Addis-Abeba pour signer un pacte de paix et de réconciliation. Par ailleurs, les Nations unies ont nommé une nouvelle cheffe de mission en Libye, la dixième depuis 2011, sans avancée notable.
Les observateurs estiment qu’une solution politique en Libye doit tenir compte des transformations qu’a connues le pays ces dernières années.
Le chef du gouvernement d’unité nationale, Abdelhamid Dbeibah, a souligné que la révolution qui a renversé Kadhafi n’était pas une simple phase transitoire et que ceux qui ont sacrifié leur vie lors du soulèvement aspiraient à offrir à leurs enfants de meilleurs services de santé et d’éducation. Il a insisté sur le fait que « la Libye ne pourra être reconstruite que grâce aux efforts et à la détermination de sa jeunesse. »
La Chambre des représentants, dans son message de félicitations, a réaffirmé son engagement à poursuivre les efforts pour réaliser les aspirations du peuple en matière de stabilité et de développement. Elle a appelé à l’unité nationale et à la réconciliation afin d’aller de l’avant vers un avenir prospère où les Libyens jouiront de la sécurité et du bien-être.
Le gouvernement issu de la Chambre des représentants, dirigé par Oussama Hammad, a déclaré que cette révolution demeure un symbole de la volonté du peuple libyen et de son aspiration à la liberté et à la construction d’un État basé sur les institutions et la justice. Il a également exhorté à l’unité pour bâtir un avenir meilleur.
Une Libye toujours engluée dans le chaos politique et économique
Des analystes libyens soulignent que le pays a encore besoin de surmonter le chaos politique et sécuritaire en misant sur la réconciliation nationale, qui reste jusqu’à présent une simple déclaration d’intention. L’échec des efforts de l’Union africaine pour parvenir à un accord de paix et de réconciliation en est la preuve.
Le report des solutions profite à certains acteurs politiques ainsi qu’aux réseaux de corruption et de criminalité, ce qui a conduit la Libye à figurer parmi les dix pays les plus corrompus au monde. En 2024, elle a occupé la 173ᵉ place sur 180 dans l’indice mondial de corruption de Transparency International, illustrant l’exploitation des ressources d’un pays riche en pétrole et en gaz.
Raqi Al-Masmari, professeur de droit à l’université de Derna, a expliqué que « la corruption en Libye est enracinée depuis des décennies en raison de l’absence de mécanismes efficaces de contrôle et de reddition des comptes. Cela a conduit à une dilapidation systématique des fonds publics en l’absence de transparence et d’intégrité. » Il a ajouté que les organismes de contrôle en Libye sont devenus inefficaces en raison du clientélisme tribal et régional, les empêchant de jouer pleinement leur rôle dans la lutte contre la corruption.
Al-Masmari a souligné que la propagation de la corruption ne résulte pas uniquement de la faiblesse des institutions de contrôle, mais aussi du manque de conscience morale et nationale ainsi que d’une culture sociale qui ne rejette pas suffisamment ce fléau, contribuant ainsi à son aggravation avec le temps.
La semaine dernière, Abdelhamid Al-Fadhel, professeur d’économie à l’université de Misrata, a révélé que 32,5 % des Libyens vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Une étude publiée par la revue Études en économie et commerce de la faculté d’économie de Misrata montre que 30,5 % des familles libyennes vivent sous le seuil de pauvreté absolue et 1,9 % sous le seuil de pauvreté extrême.
Selon Al-Fadhel, « à l’échelle urbaine, Tripoli enregistre le taux le plus élevé de ménages vivant sous le seuil de pauvreté, atteignant 11,3 %, tandis que la tranche d’âge la plus touchée par la pauvreté se situe entre 45 et 55 ans, avec un taux de 12,6 %. »
Des experts internationaux établissent un lien direct entre la pauvreté, la corruption et l’anarchie qui sont devenues partie intégrante du système politique et social du pays.
Une transition politique toujours en suspens
Walid Al-Lafi, ministre d’État à la communication et aux affaires politiques du gouvernement d’unité nationale, a tenté de justifier l’état de chaos régnant en Libye, en particulier dans l’ouest du pays. Il a affirmé que la période actuelle était une « phase nécessaire » de la reconstruction nationale.
« Le débat sur la commémoration de la révolution s’estompe lorsqu’on comprend sa véritable essence : rendre aux citoyens leur droit d’agir et de participer. Les défis actuels, avec toutes leurs complexités, ne sont qu’une étape inévitable de la transformation. Tout changement radical impose de nouvelles dynamiques où la conscience se redéfinit et où une nouvelle relation entre l’individu et la société émerge, donnant naissance à un être humain plus responsable et conscient de son rôle dans la construction de l’avenir », a-t-il déclaré.
Face à cette situation, de nombreuses voix plaident pour un retour à la constitution de 1951 comme base de toute solution politique durable.
Un collectif de dix partis politiques libyens a appelé à maintenir les mécanismes démocratiques et à engager un dialogue inclusif permettant de réunir toutes les parties et de mettre fin aux divisions.
La mission des Nations unies en Libye a exhorté les dirigeants libyens à engager des discussions sincères et à parvenir à des « solutions consensuelles » pour tracer la voie vers un avenir meilleur.
L’envoyé spécial des États-Unis en Libye, Richard Norland, a quant à lui affirmé que son pays soutenait les aspirations des Libyens à un gouvernement unifié, une direction politique unique et une armée nationale capable de préserver la souveraineté du pays.
« Nous continuerons à travailler avec nos partenaires libyens et internationaux pour soutenir le processus politique mené par l’ONU, afin de surmonter les obstacles aux élections nationales réussies », a-t-il conclu.
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