Palestine, Syrie et Liban : Nouvelles opportunités… menaces et des préoccupations… Par Kamel Ben Younes
Après environ un mois de la chute du régime du président syrien Bachar al-Assad, un « sommet très symbolique » a eu lieu à Damas entre le président du nouveau pouvoir Ahmad al-Shara et le Premier ministre du gouvernement intérimaire à Beyrouth, l’homme d’affaires Najib Mikati.
Ce rencontre, qui a eu lieu juste après l’investiture du général Joseph Aoun, nouveau président du Liban, a confirmé l’attachement des politiciens des deux côtés à la « dimension stratégique » ancienne et renouvelée entre les deux capitales. Elle a souligné que les relations concernant les dossiers de la « Palestine, du Liban et de la Syrie » resteront « l’énigme difficile de la région », peu importe le déséquilibre militaire en faveur d’Israël et de ses alliés.
Et si le palais présidentiel de Damas a vu ces dernières semaines des visites intensifiées de responsables du monde entier, la visite du Premier ministre libanais et avant cela celle du leader progressiste et druze Walid Joumblatt ainsi que du ministre des Affaires étrangères jordanien Ayman Safadi, a envoyé un message politique important, exprimant la volonté de maintenir un certain degré de « coordination et d’intégration » entre les élites historiques des « Pays du Levant » et les peuples de la Syrie, du Liban, de la Palestine et de la Jordanie, qui luttent contre l’occupation israélienne depuis près d’un siècle.
Ces peuples se distinguent par le fait qu’ils appartenaient souvent au même pays avant d’être divisés par les puissances coloniales britanniques et françaises selon ce que l’on a appelé l’accord Sykes-Picot en 1916 (du nom des ministres des Affaires étrangères des deux empires colonisateurs à l’époque).
Le « sommet syro-libanais » est survenu après une série de négociations internationales de haut niveau menées par de hauts responsables politiques et militaires syriens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Cette dynamique diplomatique montre qu’il existe des enjeux mondiaux sur le rôle futur de la « Syrie nouvelle »… Ce qui est souvent omis, c’est l’ »énigme difficile » de l’occupation palestinienne et de la résistance.
L’importance de ces mouvements et discussions, qu’elles soient directes ou indirectes, va bien au-delà des « félicitations » et de « l’échange de points de vue », surtout après que l’on a confirmé que ces discussions ont concerné Riyad, Abu Dhabi, Doha, ainsi que la capitale jordanienne.
Elles ont également impliqué des pays importants à l’échelle mondiale, comme la Russie et les principaux membres de l’OTAN, notamment Washington et Ankara d’une part, et Paris, Londres, Rome, Bruxelles et Athènes d’autre part.
Les déclarations d’Ahmad al-Shara et des ministres syriens des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Intérieur, de l’Économie, de la Santé et de l’Éducation, ont révélé que les négociations impliquant l’ONU et les pays riches de la région et du monde ont pour objectif de ne pas se limiter aux « aspects politiques, diplomatiques, sécuritaires et militaires ».
L’objectif principal est actuellement la reconstruction de toutes les régions dévastées du pays et le retour des plus de 12 millions de réfugiés ayant fui la guerre vers leurs foyers, la plupart de ces derniers ayant été bombardés, détruits ou saisis.
Selon toutes les indications, les pays et les lobbies cherchant à éloigner définitivement la Syrie de l’Iran et de ses alliés dans le « axe de la résistance » agissent vigoureusement pour ne pas manquer l’opportunité actuelle… Surtout après les déclarations successives des nouvelles autorités qui ont affirmé que « l’une des priorités pour les dix prochaines années est la reconstruction du pays et le retour des millions de réfugiés, tout en résolvant les problèmes économiques et sociaux ».
Cependant, les nombreuses promesses reçues par Damas en l’espace d’un mois en matière de soutien économique et politique semblent « irréalisables », car la plupart d’entre elles sont « conditionnelles ». Parmi les conditions les plus graves, il y a celles liées à l’absence d’engagement de la Syrie à soutenir à nouveau les factions de la résistance palestinienne et libanaise, y compris les mouvements Hamas, Jihad, la « gauche populaire », le Hezbollah libanais et les autres groupes classés comme « terroristes » par l’Occident.
Parmi les autres conditions « impossibles », on trouve l’acceptation d’un processus menant progressivement à la « division du pays en entités », à l’instar de ce qui s’est passé en Irak après la guerre de 1991 et l’occupation de Bagdad en 2003, avec la création d’une « zone d’autonomie kurde », et peut-être des entités séparées pour les Druzes et les Alaouites… etc.
Dans tous les cas, la résolution de ces questions reste une affaire qui concerne « la souveraineté nationale de l’État nouvellement constitué », dont les dirigeants ont affirmé être « contre la division du pays et contre le sectarisme », et que « les institutions de l’État et de la société seront ouvertes à tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique, religieuse ou sectaire ». Ils ont également insisté sur la dissolution de toutes les factions armées et l’intégration de leurs combattants dans un « armée nationale unifiée ».
Cependant, les assurances données par les nouveaux dirigeants de Damas n’ont pas encore convaincu plusieurs capitales régionales et internationales, qui ont exprimé des inquiétudes quant à la possibilité que le changement en Syrie mène au retour des leaders du Hamas et du Jihad à Damas, à « l’essor de l’islam politique salafiste dans toute la région », et à « la victoire du projet des néo-ottomans », compte tenu du rôle important joué par Ankara pour réussir le mouvement des forces qui ont renversé Bachar al-Assad le 9 décembre dernier.
La Turquie semble également appelée à jouer un rôle plus important dans la « nouvelle Syrie », soutenue par la nouvelle administration américaine sous la direction de Donald Trump, « un ami de longue date de Recep Tayyip Erdoğan », ce qui suscite des réserves parmi certaines capitales arabes, Téhéran et des pays d’Europe occidentale, qui souhaitent avoir la part du lion dans « les investissements de la reconstruction ».
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