L’écrivain tunisien Saïd Bahira : « L’effondrement du régime Baas en Syrie est un signe de l’échec du mode de gouvernance qui a duré des décennies »

 

Le chercheur universitaire et militant politique Saïd Bahira, dans un entretien avec Arabi 21 :

L’effondrement du régime Baas en Syrie est un indicateur de l’échec du mode de gouvernance qui a perduré pendant des décennies. Voici les raisons de l’échec de la plupart des projets des mouvements et gouvernements nationalistes.

Pourquoi certaines familles ou minorités ont-elles monopoliser le pouvoir pendant des décennies ?

« L’État national respectant les libertés et les droits est l’alternative aux régimes révolutionnaires. »

« Le moment de la vérité est proche… il n’y a pas d’alternative à la démocratie et à la rotation pacifique du pouvoir. »

Les autorités turques sont nationalistes et modernes avec une référence islamique.

Les Baasistes et Nasseristes n’ont jamais proposé un projet cohérent pour l’État et la société.

Bourguiba, Al-Thaalibi et leurs compagnons ont jeté les bases de « la nation tunisienne ».

Al-Thaalibi, Ali Belhawan et Habib Thamer ont écrit sur « l’État national ».


Interview complète :

Question : Pourquoi ce livre maintenant sur « la nation tunisienne », à un moment où l’on parle beaucoup de « l’effondrement du projet national arabe » ? Le titre de votre livre suggère-t-il un message, en tant qu’historien et penseur, qui prouve que « l’État national » et « la nation » dans son sens étroit (nationaliste) ont triomphé du concept de « nation arabe » et de « patrie arabe » ?

Réponse de Saïd Bahira : La question de l’appartenance et de la nation refait surface aujourd’hui, y compris à l’échelle mondiale, comme si elle n’avait jamais été soulevée auparavant. Ce débat doit être réexaminé, surtout après les révoltes populaires de 2010-2011. Le monde, y compris les États-Unis et l’Europe, fait face à des interrogations sur l’identité nationale et l’intégration des minorités.

Le concept de la « nation » et de la « civitas » doit être retravaillé car aucune réponse convaincante n’a été apportée après les révoltes, et même les théories sur l’unité arabe ont échoué en raison du manque d’un projet structuré et viable.

Question : Vous avez entrepris une révision du concept de « nation tunisienne » en examinant l’histoire contemporaine. Quelles sont les conclusions principales de vos recherches ?

Réponse de Saïd Bahira : Mon livre retrace l’émergence de la pensée nationale en Tunisie, l’évolution du discours politique et la manière dont la presse et les syndicats ont façonné cette identité, malgré les tentatives d’atteinte de l’unité arabe. Nous avons aussi exploré la manière dont la société a réagi à ces idées, particulièrement après l’instauration du protectorat français en 1881.

Évolution des concepts de nationalité et d’identité…

Le processus de formation de la nation tunisienne a traversé plusieurs phases. Au début, l’identité arabe et islamique prédominait et faisait partie des luttes contre le colonisateur. Puis, dans les années 1920, un changement a eu lieu avec l’émergence de la notion de « nation tunisienne » et la mise en avant de la citoyenneté tunisienne par des figures comme Al-Thaalibi. La question de la nation tunisienne a continué à se développer pendant le mouvement nationaliste, avec des figures comme Bourguiba, qui ont renforcé l’idée d’un « État national tunisien », tout en conciliant cette vision avec une appartenance arabe et islamique.

Question : Comment analysez-vous l’impact des échecs des projets nationaux arabes, notamment avec l’échec des régimes Baasistes et Nasseristes ?

Réponse de Saïd Bahira : L’échec de ces régimes est dû à plusieurs facteurs : des projets idéologiques incohérents, l’absence d’un projet social clair et la dépendance aux coups d’État pour arriver au pouvoir. Ils n’ont pas su créer un consensus populaire et ont souvent échoué à articuler un projet de développement durable. Le système autoritaire a souvent été privilégié par les élites, ce qui a conduit à des échecs à long terme.

Leçons tirées et avenir des projets nationaux arabes…

Il est devenu clair que la défaite des systèmes Baasistes et Nasseristes, mais aussi des régimes dits progressistes, est en grande partie due à leur incapacité à instaurer des démocraties véritablement pluralistes, où les droits de l’homme, la liberté d’expression et la rotation pacifique du pouvoir étaient garantis.

L’impact de l’expérience syrienne…

Concernant la Syrie, il est essentiel de reconnaître que le régime Baas en place a abusé de son pouvoir pendant des décennies. Il a été responsable de violations massives des droits humains et de l’absence de progrès démocratique. La situation actuelle démontre que les peuples arabes aspirent à des changements profonds, mais les solutions doivent passer par une gouvernance respectueuse des droits fondamentaux.

Conclusions sur l’échec des projets d’unité arabe…

Le projet d’unité arabe, bien qu’idéologiquement noble, n’a jamais pu être réalisé de manière tangible en raison de l’incapacité des régimes à unir véritablement les peuples arabes sur des bases solides et démocratiques. Les échecs des expériences passées montrent la nécessité d’une réévaluation des stratégies et de l’importance d’une approche plus inclusive, démocratique et respectueuse des droits individuels.

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