La Syrie au cœur du conflit régional entre la Turquie et « Israël » .. Taoufik El Madani

 

 

La Syrie traverse une phase de transition difficile et complexe, dirigée par les factions salafistes et jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham et ses alliés, connus pour leurs liens régionaux avec la Turquie. Cette situation a poussé le régime sioniste à considérer l’après-chute du régime d’Assad comme une nouvelle menace sécuritaire, jugée parfois « plus dangereuse que la menace iranienne ». La réduction de l’influence iranienne en Syrie est perçue comme un grand succès militaire et politique pour « Israël », bien que la Turquie soit le principal bénéficiaire stratégique du séisme syrien. Les ambitions du président Erdogan pour restaurer la grandeur de l’Empire ottoman inquiètent « Israël », rendant possible un conflit direct entre les deux parties.

Avec ces bouleversements, la Turquie a redéfini sa politique étrangère, se libérant partiellement de la tutelle américaine pour équilibrer ses relations avec les États-Unis. Aujourd’hui, elle joue un rôle clé au Moyen-Orient, entretenant des relations distinctes avec l’Iran, le monde arabe, ainsi qu’avec la Russie, la Grèce et l’Arménie, tout en développant une diplomatie axée sur ses intérêts nationaux.

Le conflit syrien et la rivalité régionale
Le conflit en Syrie, qui perdure depuis 2011, reflète un paysage régional complexe. Bien qu’il n’y ait pas de confrontation directe entre la Turquie et « Israël » sur le sol syrien, les intérêts contradictoires et les enjeux géopolitiques et économiques témoignent d’un conflit indirect. Ces tensions soulèvent des interrogations sur l’avenir de cette rivalité dans le contexte des mutations régionales et internationales.

Malgré l’occupation du plateau du Golan par « Israël » depuis 1967 et son expansion militaire après la chute du régime d’Assad, les forces sionistes n’ont pas la capacité de maintenir de vastes zones de contrôle en Syrie. Cela pourrait pousser « Israël » à impliquer les États-Unis dans une stratégie régionale visant à contenir l’influence turque. Washington pourrait ainsi intensifier son implication militaire dans le nord de la Syrie, malgré les promesses de Trump de retirer les troupes américaines de la région, ce qui risquerait d’entraîner les États-Unis dans une guerre prolongée pour servir les objectifs du projet de « Grand Israël ».

Les craintes de la Turquie face aux séparatistes kurdes soutenus par les Américains et « Israël »
Pour la Turquie, la Syrie constitue une extension directe de sa sécurité nationale. Elle cherche à sécuriser ses frontières sud en ciblant les groupes armés kurdes, notamment les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde non reconnue par le précédent gouvernement syrien. Ces forces forment l’épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS).

Le retrait des forces syriennes des régions kurdes en 2012 a conduit à des tensions entre les combattants kurdes et l’opposition syrienne, exacerbées par le refus des Kurdes de permettre à l’opposition d’utiliser leurs territoires pour combattre le régime. Certains analystes ont estimé que la relation entre les Kurdes et le régime syrien relevait davantage d’un arrangement stratégique que d’une alliance.

Les YPG reçoivent un soutien financier et logistique via des taxes locales, l’aide du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des financements de la diaspora kurde. Après la montée en puissance de l’État islamique en 2014, les autorités kurdes ont instauré une conscription obligatoire, augmentant les effectifs à environ 65 000 combattants. Les YPG ont joué un rôle central dans la lutte contre Daech, bénéficiant du soutien logistique de la coalition internationale dirigée par les États-Unis.

En octobre 2015, les YPG ont formé une coalition militaire, les Forces démocratiques syriennes, avec le soutien militaire américain. Cette alliance a permis de remporter des victoires stratégiques contre Daech et d’autres groupes armés.

La carte kurde dans les tensions turco-sionistes
Les responsables israéliens ont exploré des liens avec les FDS et envisagent un soutien non militaire aux Kurdes. En décembre 2024, le ministre israélien de la Défense, Itamar Ben Gvir, a évoqué un plan pour diviser la Syrie en cantons administratifs. Cette stratégie vise à contenir les factions soutenues par la Turquie.

De son côté, le président Erdogan a accusé le gouvernement de Netanyahu de vouloir s’étendre au détriment de la Turquie. En octobre 2024, il déclarait : « L’administration israélienne rêve de s’approprier l’Anatolie après la Palestine et le Liban. » Ces propos reflètent une inquiétude grandissante face aux ambitions régionales de « Tel-Aviv ».

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, a exprimé son soutien au PKK, affirmant : « Les Kurdes sont nos alliés naturels. Nous devons renforcer nos relations avec eux. » Cette position illustre le rôle croissant de la carte kurde dans les rivalités régionales.

En conclusion, le conflit syrien continue de cristalliser les tensions entre la Turquie et « Israël », tout en mettant en lumière les dynamiques complexes d’un Moyen-Orient en pleine mutation.

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